Nommer l’absence de logement. Catégoriser les individus exclus du logement [Naming Housing Absence. Categorizing the Individuals Who are Excluded from Housing]

Abrégé

Sans-abri, SDF, clochards, vagabonds, … sont tout autant de termes par lesquels le langage commun tente de désigner l’exclusion du logement. Nommer le manque sans stigmatiser, sans gommer la complexité du phénomène est un défi constant quand il s’agit de s’intéresser aux personnes touchées par l’absence de logement. Dans cet article, nous montrons comment trois catégories d’acteurs tentent de relever ce défi.
Au sein du champ médiatique, tout d’abord. Une analyse du discours médiatique montre que le sans-abri, le SDF est désormais devenu un personnage médiatique incontournable à l’approche de l’hiver, remplaçant l’ancienne figure emblématique du clochard. Néanmoins, nommer ce phénomène se révèle être un exercice d’équilibrisme constant pour le journaliste.
Au sein du secteur de prise en charge des personnes en situation d’exclusion du logement, ensuite. Car nommer l’absence de logement est aussi le défi de ceux et de celles qui, chaque jour, tentent d’accompagner les personnes dans cette situation. Derrière les mots utilisés se cachent bien évidemment des représentations sociales mais aussi des manières de prendre en charge ces personnes dans leurs tentatives pour faire face à l’absence de logement.
Au sein de la recherche scientifique, enfin. Au-delà du terme employé, une revue de la littérature montre que c’est surtout le processus par lequel passent ces individus qui intrigue les chercheurs. Il ne s’agit non plus seulement de nommer mais de comprendre. Cette préoccupation est partagée par les opérateurs de terrain qui déploient leurs propres catégorisations pour mieux faire face à cette forme extrême d’exclusion qu’est l’absence de logement.
Notre terrain concerne principalement la Belgique francophone (catégorisation médiatique et opérationnelle). Toutefois, pour contextualiser notre propos, nous réalisons également des incursions dans la littérature scientifique française ainsi que dans le travail de conceptualisation réalisé par les chercheurs de l’Observatoire européen du sans-abrisme.

Abstract

Homeless, wanderer, tramp, hobo, … many terms by which common language attempts to designate housing exclusion. Naming this phenomenon without stigmatizing, without eliminating the complexity of the phenomenon, is a constant challenge when it comes to addressing those affected by the lack of housing. In this article, we show how three categories of actors are trying to meet this challenge.
First, in the media. An analysis of the media discourse shows that the homelessness has now become a key media figure – especially when the winter approaches -, replacing the old iconic figure of the tramp. Nevertheless, naming this phenomenon proves to be a complex exercise for the journalists.
Second, toward the organisations working with the people who are homeless. For them naming the lack of housing is also the challenge of those who, every day, try to accompany people in this situation. Behind the words are obviously hidden social representations but also ways of taking care of these people in their attempts to cope with the lack of housing.
In scientific research, finally. Beyond the term used, a literature review shows that it is mainly the process by which these individuals go through that intrigues the researchers. It is not only a matter of naming but of understanding. This concern is shared by field operators who deploy their own categorization to better cope with this extreme form of exclusion of lack of housing.
Our field research mainly concerns French-speaking Belgium (media and operational categorization). However, to contextualize our remarks, we are also making incursions into French scientific literature as well as into the conceptualization work carried out by researchers at the European Observatory on Homelessness.